Comment travailler dans le tourisme à Paris ?

2018 a été une année record pour Paris en termes de fréquentation touristique, et elle n’est pas prête à s’arrêter ! Les rues noires du monde, les musées saturés et les bus qui coulent leur cortège de touristes hagards semblent être devenus la norme depuis plusieurs années, à Paris. De plus en plus associé à la crise du logement et de l’environnement, le tourisme de masse a suscité des réactions, des conflits avec les résidents locaux et nourrit un profond ressentiment local. Examinons les ressorts de cette industrie et en faisons un bref aperçu. Nous allons également essayer d’esquisser quelques éléments de réponse…
Plan de l'article
La conclusion
38 millionsétait le nombre de touristes qui traversent le Grand Paris en 2018, selon l’Observatoire économique du tourisme Parisien. Cette forte tendance se manifeste notamment par le nombre croissant de fréquentation des grands lieux touristiques de la capitale : 12 millions de visiteurs à Notre-Dame en 2018 (avant son tragique), 11 millions pour le Sacré-Coeur de Montmartre et 8 millions pour le Louvre (augmentation de 25%). La Tour Eiffel ferme la marche avec « seulement » 7 millions de visiteurs.
A lire aussi : Les bienfaits de la Thalassothérapie
En ce qui concerne la « carte d’identité » du touriste à Paris, les chiffres montrent une forte présence de clients nord-américains et asiatiques (3 millions pour chacun de ces continents). Pour venir à Paris, cependant, il faut un budget important, car la capitale française est la troisième plus grande ville touristique d’Europe où la nuit est la plus chère (derrière Genève et Londres). Un tourisme de luxe donc mais ce n’est pas un mois massif, et ce ne sont pas les résidents qui diront le contraire…
Avantages et inconvénients du tourisme à Paris
Les cercles et les politiques économiques attendent avec impatience l’augmentation du tourisme à Paris. En effet, d’importants avantages économiques émergent , en particulier dans le secteur de l’hôtellerie. Cependant, ceux-ci ne profiteront qu’à une petite nombre : restaurateurs dans les quartiers touristiques, hôtels bien placés et, dans une moindre mesure, propriétaires qui louent leur appartement sur une plate-forme Airbnb. La municipalité, quant à elle, peut compter sur les petits avantages fiscaux générés par la « taxe de séjour » imposée aux locataires d’Airbnb.
A lire également : Investissement immobilier : Top 5 des quartiers parisiens à privilégier
La part du tourisme dans l’emploi rémunéré dans le Grand Paris, en 2018, dépasse les 9%, faisant du tourisme un secteur d’activité dynamique… mais paradoxalement très précairepour la plupart de ses atouts : revenus inférieurs, surreprésentation du travail noiret plus encore lourde charge de travail dans les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie. S’adapter à la demande ici exige de nombreux sacrifices pour les employés.
En ce qui concerne le côté négatif du tourisme parisien, de nombreux habitants disent subir une surexposition au « tourisme de masse », sans détecter le moindre avantage, sauf celui d’avoir l’impression de « vivre dans le centre du monde »… La quasi-muséification de certains quartiers, comme ceux du Marais, du Champs de Marsou de Montmartre, entraîne un bouleversement des activités et de la vie quotidienne des habitants. Une marée humaine sur la place du Tertre, les rues du Marais assaut, la fermeture des commerces locaux au profit des boutiques de luxe dans le Quartier Latin… tels sont les éléments négatifs qui semblent attirer le paysage quotidien de plus en plus de quartiers parisiens. Le surpeuplement entraîne aussi d’autres nuisances telles que la pression sur l’eau, les problèmes de traitement des déchets, les embouteillages, la hausse générale des prixCafé Montmartre, situé dans un quartier (très) populaire pour les touristes internationaux. … bref, c’est toute une vie locale qui perd son essence, son âme et est entravée par le contact avec le tourisme de masse.
autre part, certains géographes ont récemment forgé le terme » airbnbfication », pour décrire le phénomène de la location saisonnière des centres urbains. Exclus du centre-ville par les propriétaires qui préfèrent la location touristique, les Parisiens les plus vulnérables sont les premières victimes de cette crise du logement. La part des logements inoccupés à Paris serait proche donc… 17 % D’ . Un chiffre qui serait dû au « boom » des locations saisonnières (30% pour le 4ème arrondissement !). Cependant, la municipalité semble faire preuve d’une certaine souplesse vis-à-vis du géant américain, contrairement à la municipalité de Barcelone, qui interdit purement et simplement airbnb sur son territoire.
Enfin, comment ne pas mentionner les dommages écologiques, paysagers et patrimoniaux causés par l’industrie du tourisme. Le Château de Versailles est ici un symbole. Les 4,5 millions de visiteurs annuels du château endommagent le patrimoine , entraînant de lourdes dépenses d’entretien. Les recettes liées au tourisme ne seraient même pas suffisantes pour couvrir ces dépenses ! Le tourisme de masse signifie aussi moins de soins pour les touristes : comptez donc 3 heures de queue en moyenne pour accéder au joyau de Versailles… Qui a dit que le tourisme était un plaisir ?
Flickr @Ted & Dani Percival Quelles réponses ?
Souvent synonyme de « pollution », le tourisme de masse et ses conséquences semblent attirer de plus en plus l’attention des autorités européennes. C’est particulièrement le cas à Dubrovnik, Barcelone ou Amsterdam… Ces derniers ont pris des mesures draconiennes pour réguler la fréquentation touristique : limitation de l’accès à la ville de Dubrovnik, réglementation, voire interdiction, d’Airbnb à Barcelone et Amsterdam. En Italie, en particulier, la ville de Bologne est devenue au cours des derniers mois le terrain expérimental d’une plateforme de logement saisonnière collaborative : Fairbnb. Son principe est basé sur la limitation du nombre de logements sur le marché saisonnier et la redistribution de l’argent généré à des fins collectives, plutôt que la concentration de la richesse entre les mains de quelques propriétaires et Airbnb.
Par-dessus tout, nous devons souhaiter une prise de conscience collective. Le tourisme est avant tout un phénomène occidental et spécifique auxcatégories riches (80% des cadres partent en vacances à l’étranger contre seulement 40% des travailleurs selon l’Observatoire des inégalités). Devenu un produit phare de la société de consommation , le tourisme est pour de nombreux Occidentaux l’objet d’une quête narcissique et hédoniste qui ignore les impacts sociaux et environnementaux…
modèle de tourisme massif, fondé sur l’accumulation, la normalisation et la destruction des ressources, devrait peut-être remplacer une pratique plus qualitative fondée sur la contemplation. Ce nouveau tourisme pourrait aussi être de « proximité », c’est-à-dire, tendant à prioriser les destinations de proximité, surtout françaises (par exemple le délicieux village de Verneuil-sur-Avre moins à une heure de Paris…). C’est ce que préconise le sociologue Rodolphe Cristin dans son manuel sur l’antitourisme. Cette révolution anthropologique du tourisme pourrait passer par un retour au « voyage », au sens originel du terme, par la redécouverte d’un certain déconditionnement Le , d’un changement de paysage, et ce toujours dans le respect des ressources et des populations visitées. Aujourd’hui, le touriste contemporain n’est plus un voyageur. C’est un puissant consommateur qui traverse un monde qu’il forme comme il veut…
Lisez aussi : Le Louvre limite son accès aux visiteurs avec des billets achetés en ligne Pourquoi les « bobos » quittent Paris ? Un guide pour mieux accueillir les touristes à Paris